Depuis le 1er janvier 2023, la filière du bâtiment et des travaux publics (BTP) est soumise au principe de la responsabilité élargie du producteur (REP), qui impose aux fabricants et importateurs de matériaux de financer la collecte et le traitement des déchets issus des chantiers. Présentée comme un levier vertueux du « pollueur-payeur », cette mesure suscite aujourd’hui un profond malaise au sein de la profession. Selon Anaïs Terbèche, cheffe de projet au Syndicat des entreprises de déconstruction, dépollution et recyclage, « la mise en œuvre de ce principe appliqué aux déchets du bâtiment n’est pas soutenable ». Les coûts ont en effet explosé : les éco-participations, en hausse de 40 à 60 %, pèsent lourdement sur les producteurs, qui ne peuvent plus les répercuter sur leurs clients, tandis que les artisans et maîtres d’ouvrage subissent des hausses tarifaires dans un marché déjà en repli.
Malgré ces difficultés, la collecte des déchets inertes – béton, briques ou tuiles – a atteint près de 12 millions de tonnes en 2024, un résultat proche de l’objectif de 13,1 millions fixé par les pouvoirs publics. En revanche, pour les autres catégories de déchets, tels que le bois, la peinture ou les mortiers, les résultats demeurent très en deçà des attentes : à peine une demi-tonne a été récupérée, à l’exception notable des métaux. Ces contre-performances fragilisent le dispositif, alors que plusieurs filières, dont le bois, ont d’ores et déjà choisi de s’en retirer pour mettre en place leurs propres systèmes de gestion.
Face à cette impasse, la Fédération nationale des travaux publics a obtenu du gouvernement une mise sous surveillance de la REP, assortie d’un projet de moratoire. Les obligations qui devaient s’appliquer dès 2025 ont été suspendues, tandis que l’un des principaux éco-organismes, Valobat, confronté à un excédent de collecte par rapport à ses ressources, recentre désormais ses efforts sur les chantiers de construction et de rénovation, au détriment de la démolition. Un réajustement qui illustre la fragilité d’un dispositif encore loin d’avoir trouvé son équilibre.
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